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Entretien avec Camille Fouquet pour la sortie de « Écho d'écorce »

David Zorzi : Bonjour Camille, vous publiez aux éditions du Petit Pois votre premier recueil intitulé Écho d’écorce. Peut-être pourriez-vous commencer par nous le présenter ?


Camille Fouquet : Bonjour, David et merci pour cette invitation. Ce recueil est un hommage au vivant, précisément à un chêne remarquable. Une belle rencontre qui date de plusieurs années et qui m’a profondément ému. Ainsi, écrire s’est fait de manière spontanée. À force d’observation, je me suis essayé à une intimité que la poésie permet. En quelque sorte de faire écho à son écorce, de tisser un lien, peut-être ineffable, une sorte de je-ne-sais-quoi.


L’arbre est en effet une figure régulière que rencontre le poète. À ce sujet, connaissez-vous d’autres auteurs qui ont abordé ce thème et qui peut-être ont su vous séduire par leur manière de l’aborder ?


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Oui, l’arbre est une figure régulière, voire emblématique dans la poésie. Effectivement, je connais différents poètes d’hier et d’aujourd’hui qui ont traité le thème de l’arbre de manière splendide. Je peux citer René Char, Paul Éluard, Jules Supervielle, Jacques Prévert, Andrée Chedid, Yves Bonnefoy, Hélène Cadou, ou encore, Pierre Dhainaut, Gilles Baudry, François Cheng, Zéno Bianu, Judith Chavanne…

Votre question fait me demander si inévitablement le poète ne se penche pas un jour ou l’autre sur l’arbre (?).

Quand j’ai décidé d’écrire sur ce chêne remarquable, je fus freiné un instant sur mon élan. Je m’interrogeais sur la perspicacité de mon projet. À ce moment, je compris qu’il fallait me couper des influences que j’admirais. Afin de garder à l’esprit le peu que je tenais à l’époque.

Une fois terminé Écho d’écorce, j’ai relu le livre de Prévert Arbres qui reste un de mes préférés.


Mais alors, si tout poète se penche inévitablement sur l’arbre, qui trouve-t-il ? En ce qui vous concerne, vous parlez de faire « écho à son écorce », « de tisser un lien », pourriez-vous développer un peu cette idée et nous expliquer ce

« je-ne-sais-quoi » qui vous attire ?


Il y trouve outre l’arbre en tant que tel, un état de présence qui est plus que sa forme originelle. Justement, ce qui fait la particularité du poète - l’artiste en général, me semble-t-il, est cette faculté à deviner plus que ce qu’il regarde. De s’octroyer une communication plurielle. L’arbre parle aussi son langage. Ce qui me fait penser à cette phrase d’Edgar Morin : “ Le monde est à l’intérieur de notre esprit, lequel est à l’intérieur du monde”. Même s’adosser contre son tronc ne suffit pas à en prendre conscience. Il m’a fallu tendre l’oreille, saisir l’écho de son langage. C’est précisément ce « je-ne-sais-quoi », terme que j’emprunte à Vladimir Jankélévitch. Ce nescio quid lequel définit ceci plutôt que cela. De suspendre la notion de temporalité et de rationalité. Alors, le poète s’efforce de repenser le réel et qui mieux que l’arbre pour en convenir. Qui mieux que le poète pour saisir “ ce presque rien “ pour répondre à cet écho et finir par écrire.

Je voudrais ajouter ceci, que l'humain construit lui aussi de lourdeur et de légèreté est beaucoup plus paradoxal que l’arbre.


Peut-on aller jusqu’à dire que vous adhérez à l’idée d’un panthéisme naturaliste ?


Si oui, pas au sens strict du terme. Ce qui est certain, c’est que je ne suis pas un adepte du monothéisme. À vingt ans, j'ai approché la pensée de Spinoza, laquelle retient encore mon attention. Au fur et à mesure les philosophes ont pris une autre route. La poésie a fini par prendre le dessus. Pour résumer, je ne voue pas plus de culte à la nature qu’à une croyance en un Dieu individualisé. Il s’agit pour moi d’appréhender tant bien que mal l’existence dans son ensemble, et en cela la poésie me procure mon once de spiritualité. Elle me relie au monde et dans ce monde ancre mon être.

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Permettez-moi maintenant de sauter du coq à l’âne mais et de quitter la philosophie ? Les illustrations de couverture sont de votre main, deux gravures que nous avons beaucoup appréciées. Pouvez-vous nous parler de cette activité ? Est-elle une pratique régulière ?


Cette pratique est nouvelle. Elle est née, précisément, autour d’une réflexion concernant l’élaboration d’une couverture pour ce recueil. Alors, après l’acquisition d’un matériel de gravure, je me suis essayé à une improvisation. Novice, j’ai tenté d’apprivoiser la gouge. Puis, pris au jeu, je me suis laissé aller intuitivement au croquis. Patience aidant, l’encre a fini par dévoiler une sorte de palimpseste. J’ai donc osé franchir le pas vers une autre écriture que celle de la plume. Malgré tout, cela reste encore une histoire d’encre et de papier.

Ma sensibilité pour les arts graphiques tient d’une affection permanente pour des artistes comme De Staël, Soulage, Verdier, Zao Wou-Ki, Gao Xingjian et bien d’autres. Aussi, comment ne pas citer les dessins de A. Hollan dont le très beau livre « Questions aux arbres d’ici » retrace l’exposition du musée de Lodève.

Mes illustrations viennent compléter le catalogue des artistes de votre maison d’édition, et j’en suis profondément honoré. Dès lors, j’espère poursuivre cette aventure et la partager avec la poésie. Sachant que cette dernière demande beaucoup.


Je vous remercie vivement, Camille, de nous avoir offert cet éclairage sur votre travail que les lecteurs apprécieront – j’en suis sûr. Nous sommes également très heureux de vous compter parmi nos auteurs et nous nous retrouverons bientôt au festival de Poésie Sauvage, à La Salvetat-sur-Agoût, cet été.

Je vous laisse, pour finir, le dernier mot. Quelques vers peut-être ?


La retenue des choses

N’empêche pas leur échéance

Dans un accord tacite

Les jours les nuits s’effacent

Sur l’étendue du vertige

Nos lendemains tendent

Vers des étoiles qui jamais

Ne se déroberont

Elles retardent l’obscurité

Laquelle dévie notre route

Fortifient la nécessité

De combattre l’impossible.


Entretien réalisé au printemps 2025.

 
 
 

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