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« Chemins de l’arbre » - Premières impressions de Patrick Argenté

Sous la simplicité apparente du titre, se cache plus de mystère qu’on aurait cru de prime abord. Et je suis resté quelques instants rêveur devant ces Chemins de l’arbre. Quels chemins ? On pourrait entendre que les arbres cheminent ou bien doit-on cheminer vers les arbres ?

Car il n’est rien qui ne chemine moins qu’un arbre, vertical et fixé profondément dans la terre, jouisseur de racines. Et on les voit plutôt, les arbres, grimpés sur les talus et contempler avec condescendance ces pauvres humains déracinés qui cheminent ou qui font le Tour de France. A moins qu’ils ne marchent la nuit, secrètement, les arbres, sur leurs racines.

Et si les arbres ne cheminent pas, c’est nous qui cheminons vers eux : Chemins de l’arbre, c’est chemins vers l’arbre. A la découverte. On rencontrera chacun d’entre eux à la faveur d’un tercet, comme dans un livre de botanique. Sauf qu’on s’apercevra que certains arbres sont découverts plusieurs fois et d’autres pas, et pas tous à la même saison, et que la taxinomie scientifique s’en trouve bien un peu secouée par la subjectivité de l’auteur et ses sensations.

Et qui plus est le livre ne chemine pas vers des arbres, mais vers l’arbre. On nous promet donc non pas de découvrir des essences d’arbre mais l’essence même de l’arbre. Le livre est sartrien, car les arbres, on les voit, on les sent, on les rêve, mais dans leur contingence : oui l’existence précède l’essence.

La citation d’Abdellatif Laâbi conforte nos premières intuitions : si je chemine, je ne suis plus réellement un arbre, du moins en ai-je la crainte.


Ensuite les difficultés sérieuses commencent :

D’abord, il faut bien tenir les pages du livre qui peuvent glisser : c’est un livre à feuilles caduques ; il faut se dépêcher de le lire, avant l’automne. Mais le papier est très beau et c’est très bien comme ça.

Ensuite, je ne suis pas fortiche en haïkus et je ne sais s’ils sont dans les règles et si ce sont des faux : mais je m’en fiche, ce sont de très beaux tercets.

Plus grave : je ne suis pas non plus fortiche en arbres, ne sait pas bien les reconnaître sauf certains quand d’autres me sont complètement inconnus. Ces poèmes ont absolument besoin de se confronter à une image des arbres pour prendre leur sens. Il me faudra faire des recherches : savoir à quoi peut bien ressembler un paulownia, un araucaria ou un acajou, ce que je n’ai pas fait pour l’heure.

C’est que les poèmes s’attachent aux arbres par l’image essentiellement ; j’ai seulement repéré deux arbres qu’on entend (n°1/p. 10 et n°4/p. 26) et un que l’on hume : n°3/p. 18. Aucun que l’on touche. L’auteur se tiendrait-il à distance pour des arbres que l’on invoque, semblables sont-ils en cela aux dieux, sauf à toucher le ciel par mégarde (n°4/p. 30).

J’ai pensé un instant que le livre aurait pu être illustré par de beaux et fins dessins d’arbre, à l’encre. Mais non : qu’on évite définitivement la ressemblance avec un livre pédagogique.

D’ailleurs, de quoi s’agit-t-il, des arbres vraiment ou de leur rapport au langage, de leur rapport au poème lui-même comme on le voit en 4/12, 1/14, 1/19, 3/22, 1/23 où l’arbre et la langue se croisent.

Des arbres vraiment, de l’arbre vraiment, ou du rapport secret de l’auteur avec eux, qui se dévoile ici, un peu, mais bien peu.

J’aurais plaisir à retourner voir ces arbres de plus près.


A suivre peut-être…


Patrick Argenté

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